27.11.07

Banlieues à l'abandon : ce qui ne peut plus durer

Tribune parue dans Le Monde, ce jour, par :
  • Claude Dilain, Maire (PS) de Clichy-sous-bois
  • Stéphane Gatignon, Maire - Conseiller général (PCF) de Sevran
  • François Pupponi, Maire - Conseiller général (PS) de Sarcelles


A l'automne 2005, sur fond d'images de quartiers en flammes, l'ensemble de la classe politique semble prendre enfin conscience du malaise des banlieues. Les émeutes s'accompagnent alors d'un cortège de discours sur les décisions à prendre. Mais avec l'extinction des flammes, un voile est retombé sur nos villes et deux ans plus tard, non seulement les choses n'ont pas changé, mais elles empirent.

Face au défi, confronté aux inégalités de plus en plus fortes entre les territoires, le gouvernement répond par des dotations toujours plus réduites et inégales. Pour preuve, la loi de programmation de la cohésion sociale prévoyait une augmentation de 120 millions par an jusqu'en 2009 de la dotation de solidarité urbaine (DSU), pour venir en aide aux villes en difficulté. Or, la commission des finances de l'Assemblée vient d'annoncer une diminution de 30 millions d'euros de la DSU. Tant pis pour les villes qui comptaient dessus et qui ont engagé des actions. Elles n'auront qu'à gérer encore et encore la pénurie et faire face à des charges de plus en plus lourdes.

Cela ne peut plus durer. Le temps des diagnostics, des analyses et de la compassion est terminé. Aujourd'hui, il est impératif d'agir, et d'agir vite. Des solutions simples et efficaces sont rapidement réalisables, au premier rang desquelles une réforme de la fiscalité locale.

Malgré l'opiniâtreté des élus de terrain et du monde associatif, la situation ne cesse de se dégrader. Tous les indicateurs sont à la hausse, précarité, chômage, misère, violence... l'économie parallèle gangrène des quartiers entiers où les habitants subissent les règles d'un libéralisme sauvage qui se traduit par le règne de la loi du plus fort ; l'usage de la violence se banalise, les liens sociaux se délitent et les populations confrontées à un sentiment d'abandon ont tendance à se replier sur elles-mêmes.

Cette situation est le résultat de l'échec de la politique menée depuis de trop nombreuses années. L'ancien ministre de l'intérieur, aujourd'hui président de la République, n'a réussi, avec ses déclarations guerrières, ni à faire reculer l'insécurité ni à rétablir l'égalité républicaine. Nous n'acceptons plus que l'Etat valide les inégalités. Il faut impérativement en finir avec la vision à court terme qui conditionne les réponses du gouvernement. Nous ne voulons pas d'un énième plan banlieue qui traite systématiquement nos problèmes à l'aune de l'exception. Nous voulons que nos villes - à l'instar du reste du territoire - soient traitées selon le droit commun.

L'insécurité est le résultat d'une politique globale qui par l'insécurité sociale, l'accroissement de la précarité et des inégalités conduit à la déstructuration des règles collectives et contribue à faire naître les ghettos de demain. Notre société est de plus en plus marquée par l'individualisme, la débrouillardise et la vénération sans limite de l'argent roi au détriment de tout ce qui fait l'intérêt collectif. Tout contribue à fragiliser l'ensemble de la société: disparition de la mixité sociale dans les quartiers d'habitat collectif, diminution drastique des moyens consacrés au volet social (dans la prévention, dans la recherche d'emploi, etc.), généralisation des emplois précaires, enclavement de ces quartiers.

Nous devons clairement poser la question du rôle régulateur de l'Etat. Le processus actuel qui conduit l'Etat à se retirer progressivement des dispositifs d'aide anéantit les garanties et laisse la nécessaire entraide dépendre du bon vouloir de ceux qui en ont à la fois l'envie et les moyens.

Le temps presse. Nous devons en agissant sur l'ensemble de ces leviers rétablir les fondements de la République : la sécurité et l'égalité de tous partout sur le territoire. Pour faire entendre la voix de la banlieue et parce que nous refusons d'attendre qu'une nouvelle catastrophe se produise pour que les choses bougent enfin, nos communes (nos mairies) agiront afin d'obliger l'Etat à ouvrir le dossier des banlieues non comme un dossier à part mais comme un miroir de ce que pourrait devenir la France de demain.

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